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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/267

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LE RETOUR DE L’ÎLE DU DIABLE


Strasbourg, place de la Concorde, puis parada à la revue de Longchamp. Les acclamations qu’il y recueillit le décidèrent à brusquer les choses. Le soir, à la Ligue, l’agent de la police mêlé aux principaux meneurs le vit triompher : « Cette journée est réellement la mienne ; j’ai vu que je pouvais compter sur Paris lorsque je ferai un appel ; le peuple est avec moi[1]. » Il avait de l’argent, invita d’urgence les militants à rester à Paris, les répartit en trois brigades sous la direction de Barillier, Foursin et Baillière, qui « prêtèrent serment de discrétion », fit préparer « six jeux d’enveloppes, de façon à pouvoir envoyer des convocations en toute diligence », acheta des armes et des cartouches, s’assura de la jeunesse antisémite (Dubuc) et du parti socialiste français (Rochefort), et constitua un comité d’action avec Turquet, Galli, le baron Legoux, de Plas et Guérin[2]. Celui-ci, bien qu’il trouvât Déroulède « trop emballé[3] », se conformait aux instructions du duc de fusionner ses antijuifs avec les patriotes ; il achevait l’installation de son « fort Chabrol[4] », et avait formé le projet de m’enlever dans la rue et de me retenir comme otage[5]. Déroulède s’était entraîné,

  1. Haute Cour, I, 31, rapport Hennion.
  2. Ibid., 32, 33, 34 et 35.
  3. Ibid., 33.
  4. Ibid., 34 ; IV, 46 et suiv. ; VII, 15, Lépine.
  5. Le cocher de Louis Guérin ayant bavardé dans un cabaret je fus informé de ses propos par une lettre anonyme que je communiquai au préfet de police ; la surveillance ostensible qu’il organisa suffit à empêcher l’opération. Selon Spiard (Coulisses, 212), on devait « me conduire en banlieue, dans une villa à l’abri de toute indiscrétion ». Les renseignements de la Préfecture indiquaient que j’aurais été enfermé au fort Chabrol « où deux chambres ou cellules avaient été récemment construites ». (Haute Cour, IV, 48, rapport Debric). Guérin convint qu’on appelait ces cellules « la cage à Reinach », « mais c’était par manière de plaisanterie ». (Audience du 20 novembre 1899.)
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