Aller au contenu

Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
CHAMBRES RÉUNIES


sation mortelle de pactiser avec les défenseurs de Dreyfus.

C’était très honteux, mais c’était ce qui faisait la chance la meilleure de Dupuy, et ce fut toute la force de son discours, qui porta où il fallait qu’il portât, au « ventre » de l’assemblée, comme on disait sous la Convention, au siège obscur de la peur : « Est-ce que je demande, moi, aux orateurs qui ont parlé contre la loi, si leur parole n’était pas ici quelque peu, beaucoup peut-être, le reflet d’un certain groupement ? » Il expliqua, violemment interrompu à gauche, « qu’il avait fait allusion seulement à la Ligue des Droits de l’Homme », mais personne ne s’y trompa, et la peur était maintenant dans l’assemblée.

Le reste du discours fut la réédition des malices qu’il avait servies précédemment à la Chambre : « Une loi qui survit aux circonstances qui l’ont fait naître n’est pas une loi de circonstance… Nous ne diminuons aucune des garanties du justiciable ; nous étendons une juridiction habituelle ; nous portons la justice civile à son maximum de lumières et de compétences. » Il convint, sur le ton de bonhomme retors qu’il savait prendre, que « l’argument n’avait pas grande valeur juridique : mais c’était un argument de bon sens » ; et « le bon sens », c’était son fort, sa spécialité, comme son art était de saisir la moyenne d’entendement d’une majorité, homogène ou composite : « Est-ce que déjà l’on attendait de la Chambre criminelle un certain arrêt ? » Pour lui, il jure qu’il s’inclinera devant celui des Chambres réunies ; « il n’y aura, contre un pareil arrêt, que des fous et des révoltés » ; mais « il ne prendra la responsabilité ni d’un rejet ni d’un retard ».

Waldeck-Rousseau monta à la tribune.

La bataille, gagnée avec Bérenger, perdue avec


2