sident du conseil de guerre donna l’ordre d’introduire l’accusé. La salle des fêtes du Lycée était bondée, près de cent témoins, les militaires en tenue, sauf Chanoine, autour de Mercier qui s’installa au premier rang, à côté de Casimir-Perier, après avoir salué la veuve d’Henry, « enveloppée d’un long voile de deuil[1] », et tout l’ordinaire public des grandes journée de l’Affaire, déjà frémissant des sensations nouvelles qu’il était venu chercher à Rennes, surtout des écrivains et des artistes, plus de quatre cents journalistes, de nombreux officiers de la garnison, et beaucoup de femmes, de tous les mondes, en claires toilettes d’été et plus passionnées, dans les deux partis, que les hommes. Un silence complet[2] se fit dans cette foule aussitôt que Jouaust eut prononcé les quelques mots qui indiquaient que la tragédie allait commencer, et toutes les têtes se tournèrent, « d’un même mouvement », vers une petite porte à droite de la scène où deux gendarmes en faction marquaient que Dreyfus allait paraître et cesserait désormais d’être une entité. « La curiosité était si intense, avoue Barrès, qu’elle atteignait à l’angoisse[3]. »
Quelques secondes, « trois minutes », s’écoulèrent et Dreyfus entra, en uniforme de capitaine d’artillerie, d’un pas ferme, rapide, volontairement « automatique et cadencé[4] », le regard net derrière le lorgnon, droit sur la salle où tout le monde était debout. Un instant, comme ébloui par la splendide lumière qui coulait des fenêtres, il parut s’arrêter. Il avait trois degrés à