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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/304

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


l’innocence de leur victime fût si peu décorative. Ils l’eussent traité de « comédien » s’il avait été « bon » où ils lui reprochèrent d’avoir été « mauvais » ; son incapacité à jouer un rôle, à vibrer au dehors, leur offrait un thème plus facile, un moyen plus sûr de barrer la route au peu d’humanité et de bonté qui menaçait de rentrer dans les cœurs. L’olivâtre Barrès, qui avait l’air d’un métis portugais, Drumont, au type, si caractérisé, d’un professeur crasseux de Talmud, et l’authentique juif Meyer ne tarirent pas sur son physique « ingrat » et « sans âme ». Il était bien l’homme de cette basse laideur : « Ce misérable étranger n’exprime jamais un sentiment juste et à quoi nous puissions nous accorder[1] » ; « pour parler, encore faut-il avoir quelque chose à dire, sentir avec quelque vivacité[2] » ; « il ne parle pas, il aboie[3] » ; « chez lui, nulle humiliation que d’être pris[4] » ; quand il n’ergote pas cyniquement, « avec une dextérité d’avoué madré[5] », « ses perpétuels Ce n’est pas vrai ont l’impudence de mensonges d’écolier[6] » ; parfois, il y met un « ton de haine », comme pour en faire « une injure à tous ces témoins (les généraux) qui auraient donc menti » ; « ce disciple d’Avinain », « aussi têtu que crapule », « n’a qu’un système : nier, qu’une tactique :

  1. Barrès, 157.
  2. Jules Soury, Campagne nationaliste, 86.
  3. Barrès, 154 : « Jules Soury a osé employer le mot juste : l’homme qui aboie. » — Ces commentaires de Barrès sont coupés par des phrases plus douces, « d’une pitié calculatrice, féroce et meurtrière », dit très bien Jaurès. (Petite République du 18 août 1899.) Ce « Deniel de la littérature » affecte parfois « de plaindre Dreyfus souffrant » pour l’accuser ensuite « avec plus d’autorité ».
  4. Barrès, 154.
  5. Lepelletier, Écho du 9.
  6. Déroulède, dépêche à Galli : « Le frère et ami de Reinach et de Jaurès est bien mal conseillé… etc. »