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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/316

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


pas un patriote sincère qui puisse lui faire un reproche de violer les secrets d’État… Sa longue réserve a suffisamment prouvé ses longs scrupules, Quelles que soient désormais les conséquences de ses révélations, elles ne sauraient être pires, ni plus dangereuses pour la nation, que les résultats de son premier silence. Toutes les consignes, tous les ordres de tous les Galliffet du monde, pèsent d’un poids bien léger en face de cette loi suprême : le salut du Peuple[1]. »

À l’appui, les deux juifs Meyer et Pollonnais racontèrent que Munster avait invité Galliffet à ne tolérer « aucune indiscrétion préjudiciable à l’Allemagne », et qu’un des témoins militaires lui avait écrit « qu’il ne se préoccuperait, en déposant, d’aucune conséquence diplomatique ou autre[2] ».

Galliffet démentit officiellement ces deux impostures ; Mercier fit distribuer le journal de Déroulède[3], avec sa dépêche à Galli, dans les rues de Rennes et annoncer qu’il avait pris son parti, pourtant sans lever encore la consigne de se taire, autrement qu’en conversation, du bordereau annoté[4] : « Il ne reculera pas, il dira le mot, sortira le terrible papier dont il est providentiel-

  1. Dépêche du 7 août 1899. — Barrès n’en écrira pas moins, accusant, à l’ordinaire, les revisionnistes des mensonges et des manœuvres de leurs adversaires : « Les amis de Dreyfus avaient répandu le bruit que le général produirait certaines pièces et qu’il serait arrêté pour faux et violation des secrets de l’État. Aussi les curiosités attendaient, exigeant une péripétie de théâtre. » (154.)
  2. Gaulois et Soir des 8 et 9.
  3. Drapeau du 10.
  4. Voir p. 261. — Un rédacteur de l’Agence Nationale avait cependant raconté que Mercier, sur le bordereau, « réservait quelque chose dont ses amis n’avaient pu lui arracher le secret. Il connaît l’origine et la paternité originale du bordereau, » (7 août.) Le Petit National du 9 donna une version du bordereau « par ordre » qui était fort semblable à celle d’Esterhazy