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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/353

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RENNES


cartes d’audience qu’elle avait oubliées, rentra un instant. Labori, un peu en retard, hâtait le pas, causant avec animation : « Il faudra bien que Mercier réponde aujourd’hui ! » Picquart, agacé par un rôdeur qui avait l’air de vouloir écouter, engage l’avocat à moins élever la voix.

L’individu, vers qui Picquart s’était retourné, était un homme jeune, le visage allongé avec des yeux vifs et une petite moustache roussâtre, au teint hâlé comme celui des paysans, presque bronzé, mais ayant plutôt l’air d’un ouvrier, vêtu d’une veste noire à manches blanches et coiffé d’une casquette plate à rabattement[1].

Le quai, à cette heure, était peu fréquenté, deux ou trois mariniers occupés à démarrer ou à décharger leurs bateaux ; il n’y avait du monde que plus loin, à l’avenue de la Gare ; là[2], aux abords du lycée et de la prison, un groupe de gendarmes et de militaires, de la police, quelques Rennais venus, malgré le lourd temps d’orage, la pluie menaçante, pour assister à l’entrée des membres du conseil de guerre et des témoins.

Soudain[3], un coup de feu retentit et Labori, au même instant, s’abat avec un grand cri, « pareil au rugissement d’un animal blessé » : « Assassin ! », la face contre terre, tiré presque à bout portant[4], une balle de revolver dans le bas du dos. Picquart et Gast, « persuadés qu’il était mort[5] », se précipitèrent, comme mécaniquement, à la poursuite de l’assassin qui n’avait pas

  1. Instr. Guesdon, dép. Gast, Picquart, Avril, Lahaye, etc.
  2. À 200 pas. (Lettre de Gast.)
  3. « L’attentat est de 6 h. 15. » (Ibid.)
  4. « Le meurtrier n’avait pas déchargé son arme à plus de quatre ou cinq mètres. » (Récit de Picquart.)
  5. Procès Labori, 13 décembre 1899, Gast.