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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/356

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Ce quartier de Rennes est composé de plusieurs îlots. La Vilaine, venant de l’Est, de Vitré, se divise, un peu avant d’arriver à Rennes, entre le pont de Cesson et le gué de Baud, en deux bras, le bras supérieur, canalisé sur plusieurs kilomètres, le bras inférieur, qui fait boucle, et forme lui-même deux autres bras qui communiquent entre eux par des petits canaux et rejoignent le canal principal, la Vilaine canalisée, au quai Richemond. L’un de ces bras borde au Sud la place Laënnec ; l’autre passe, un peu plus bas, sous le pont Saint-Hélier et contourne l’École de Médecine.

L’homme, son coup fait, n’avait pas repris le bord du canal, parce qu’à fuir par l’avenue du gué de Baud qui prolonge le quai de Richemond, tout droit et à découvert, il y eût été trop aisément rejoint. Il s’était donc jeté, avec une parfaite connaissance des lieux, vers le bas quartier, coupé, comme on vient de voir, par les bras naturels de la Vilaine qui en font une espèce de Bruges bretonne, et fort enchevêtrée de ruelles. À l’angle inférieur de la place Laënnec, il enfila une rue bordée de murs et de jardins avec de rares maisons (rue Alphonse Guérin), qui aboutit à un chemin en remblai[1]. Quelques habitants, au seuil de leurs portes ou de leurs jardins, des ouvriers qui allaient à leur travail, virent surtout son pistolet, le laissèrent passer. Pourtant deux jeunes gens et un maraîcher[2] eurent une velléité de courage ; il leur cria « qu’il avait encore cinq balles qui seraient pour eux[3] ». Un peu plus loin, un employé des tramways lui mit la main sur l’épaule et Gast crut un instant qu’on le tenait ; mais l’homme, en-

  1. Récit de Picquart.
  2. Appel, Bouvet fils. (Instr. Guesdon).
  3. Il cria de même au témoin Jarrier : « Prends garde, je viens de tuer un homme, je ne te manquerai pas ! »