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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Jouaust n’arrêta pas d’interrompre ce bon troupier, cet honnête homme qui défendait son honneur.

Tomps et Hennion racontèrent, à leur tour, d’autres fourberies d’Henry, d’autres manœuvres de Gribelin ou de Lauth[1] ; Lonquéty démentit à nouveau l’invention de d’Ocagne sur les voyages suspects de Dreyfus à Bruxelles[2] ; Painlevé, à propos de sa conversation avec Jacques Hadamard, prit Gonse et Roget en flagrant délit, les accula à avouer qu’ils lui avaient fait dire, dans le dossier secret et devant la Chambre criminelle, le contraire exactement de ce qu’il leur avait rapporté de cet entretien[3]. Ce fut l’une des scènes dramatiques

    incriminée » ; il se souvenait d’avoir donné lui-même à l’agent d’Henry « l’adresse telle qu’elle était libellée sur l’enveloppe ». (Ordonnance du 22 juillet 1899 dans l’affaire Cordier contre X…) Pour Roget, il déclara au juge « qu’en attribuant la lettre à Cordier, il n’avait fait que s’en rapporter aux affirmations d’officiers attachés au service des renseignements », et il les nomma (Junck, Lauth, Gribelin), ainsi que le rédacteur Noth, « dont le témoignage devait être catégorique ». Mais aucun, une fois devant le juge, ne voulut plus rien affirmer ; « tous se sont expliqués d’une façon des plus évasives sur les propos qu’on prétendait tenir d’eux ; chacun se retrancha derrière une simple opinion personnelle, fondée sur des présomptions morales… etc. » Henry et Lemercier-Picard étant tous deux morts, le juge fut contraint de rendre une ordonnance de non-lieu, mais qui lavait complètement Cordier. — L’obscur de l’histoire, c’est les raisons pour lesquelles Henry (en octobre 1896, quelques jours avant de fabriquer la fausse lettre de Panizzardi) crut devoir commander cet autre faux à son scribe ordinaire, le montra à Lauth et l’enterra ensuite dans ses dossiers.

  1. Rennes, III, 360. Tomps (sur l’entrevue de Bâle, la tentative d’Henry pour qu’il accusât Picquart d’avoir remis au Matin le fac-similé du bordereau, sur sa conversation, en juillet, avec Brücker). — 372, Hennion (sur le faux Pomier). — Voir t. III, 593.
  2. Ibid, II, 183, Lonquéty : « M. Cavaignac et M. d’Ocagne ont insisté auprès de moi pour que je tâche de déterminer l’époque où j’ai vu Dreyfus à Bruxelles. »
  3. Ibid, III, 325, Hadamard ; 331, Painlevé. — Voir t. III,