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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/423

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RENNES


étaient au dossier, et qu’appuyé par Sebert, il eut démontré que le bordereau ne pouvait pas avoir été écrit par un officier d’artillerie, alors Deloye avait battu en retraite. Ainsi il convint qu’au dire de Robin lui-même, l’inventeur de l’obus, « Dreyfus ne lui avait jamais rien demandé de ses affaires, rien, rien, rien, encore rien, sauf un moyen de faire tourner plus vite des broches de filature » ; et, surtout, en ce qui concernait les documents qu’on croyait visés par le bordereau, que Dreyfus avait pu les connaître, mais qu’il n’en existait aucune preuve : « Si j’en avais, assurément, je les donnerais, mais je n’en ai pas… » Puis, très nettement, il condamna le système « d’éliminations et de recoupements » de Cavaignac : « Nous sommes dans le domaine concret, il faut y rester. Des mathématiques, des raisonnements mathématiques, alors que la culpabilité de l’accusé peut en dépendre, jamais[1] ! »

L’évidence, c’était qu’il fallait s’en tenir à cette déclaration, en prendre acte : « Pas une preuve contre Dreyfus. Voilà, après cinq ans d’enquêtes, l’attestation du ministre de la Guerre, par son représentant officiel. » Mais Labori, une fois lancé en avant, impossible de l’arrêter. Au lieu de remercier simplement Deloye, il le harcèle, s’obstine à lui faire dire ce que le général ne veut pas dire, à savoir que la plupart des espions vendent de la marchandise sans valeur et qu’un document qu’on ne connaît pas n’est pas nécessairement important. Alors Deloye perd patience. Par deux fois, il s’est évadé dans des réponses dilatoires ; à la troisième fois : « Oh ! n’insistez pas, n’insistez pas ! Voyez-vous, il y a dans ce bordereau des choses qui marquent que celui qui l’a écrit n’est pas un petit malheureux, que

  1. Rennes, III, 237, Deloye.