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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/43

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CHAMBRES RÉUNIES


d’épinards ! » Déroulède est un fou, à moins qu’il n’ait été joué par les généraux… Ces gens-là ont bien pu lui promettre leur concours et flancher après. Tous très ambitieux et césariens, mais, à part Négrier, tous incapables d’un effort viril… J’en ai assez, je vais probablement partir pour le Soudan… Il y a de grandes choses à faire là-bas avec les derviches. Les Français ne m’ont pas compris : tant pis pour eux[1] ! »

Il relut le compte rendu de sa conversation, dicta :

Je suis profondément écœuré de l’universelle lâcheté manifestée à mon endroit, lâcheté qui, de la part de certains, est une bien grande et bien imprudente imbécillité. Qu’ils se le redisent chaque matin !

On peut croire qu’il fut, de nouveau, compris. Il reçut, peu de jours après, la visite de l’un des collaborateurs de Drumont et celle de Laguerre ; il avait annoncé « qu’il n’attendait qu’une lettre pour commencer sa deuxième série, toute prête chez un notaire pour qu’on ne la vote pas[2] » ; et il ne s’occupa plus, un mois durant, que de son procès avec « Son Altesse

  1. Matin des 16 et 18 mars 1899.
  2. Esterhazy a annexé à sa déposition à Londres plusieurs des lettres et dépêches qu’il reçut de son avocat Cabanes et de Laguerre, à la veille et à la suite de ces visites. De Laguerre, le 8 mars : « Que demander d’une façon précise ? Voilà ce que je suis prêt à aller vous demander à Londres, dans un intérêt supérieur. » De Cabanes, le 11, le lendemain de la visite de Laguerre : « Je suis sûr que Laguerre agissait pour Dupuy. » Le 16 : « Laguerre a rendez-vous avec qui vous savez dans l’après-midi. » Le 31 : « Je sais qu’on arrange l’horrible affaire le mieux possible et qu’on vous saura un grand gré de votre silence. » Le 24 avril : « Je sais que de Pellieux, Quesnay de Beaurepaire considèrent l’un et l’autre que, l’affaire liquidée, la décision de mise en réforme sera rapportée et que vous serez admis à la retraite avec conséquence de droit. » Boisandré, le rédacteur de la Libre Parole qui était
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