Aller au contenu

Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
436
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


cidité a tourné à la méchanceté et qui, possédés d’une seule idée, démente ou scélérate, incapables d’un raisonnement vulgaire, ont gardé une incroyable faculté d’astuce, de fourberie et de ruse. C’est à la fois un énergumène, bon à enfermer dans un asile, et un faussaire, marqué pour la prison ou le bagne, le jour où le faux scientifique serait assimilé au faux en écriture publique ou privée. Toute son argumentation consiste à expliquer une absurdité par une pire absurdité ou par un mensonge. Si Dreyfus a machiné cette fantastique écriture sur gabarit, c’est apparemment pour en tirer argument en cas de danger : pourquoi n’en a-t-il rien fait ? « Parce que, dit Bertillon, la précision de mes révélations l’a surpris et a montré au conseil mieux que tous les raisonnements que je confinais à la vérité[1]. » — Si l’écriture sur gabarit est un secret de chancellerie, pourquoi Dreyfus l’a-t-il employée, çà et là, dans des pièces de service, notamment dans une note à Galliffet, qu’il a écrite à l’État-Major, à son bureau devant les camarades ? Précisément, pour écarter l’hypothèse d’une écriture forgée[2]. — « Cet ensemble de superpositions géométriquement masquées par des intervalles de même valeur de 1 mm. 25, qui serait l’écriture artificielle de Dreyfus, comment est-ce aussi l’écriture naturelle d’Esterhazy[3] ? » Un juge pose la question : Demange voudrait savoir si Bertillon a soumis l’écriture d’Esterhazy à la même expérience que celle de Dreyfus. Bertillon répond « qu’il n’a cure de l’écriture d’Esterhazy[4] » ; au surplus, « l’analogie entre les deux écritures peut être

  1. Rennes, II, 343, Alphonse Bertillon. — De même Valério : « Parce qu’il avait eu vent du système de Bertillon. » (II. 397).
  2. Ibid., 339, Bertillon.
  3. Ibid., III, 23, Molinier.
  4. Ibid., II, 381 et 382, Bertillon.