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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/516

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


la dépêche, ni au résident général Laroche, à qui il a parlé seulement de la pièce canaille de D…, ni aux Chambres réunies, — où, comme on l’a vu[1], Mazeau avait refusé de poser la question sur les pièces secrètes. — À quoi donc attribuer la soudaine et surprenante précision du capitaine devant le conseil de guerre si ce n’est à « une superposition de souvenirs », à l’influence des polémiques de presse sur un cerveau déjà dérangé ?

On s’attendait à ce qu’il le traitât d’imposteur. Il ne commet pas de ces fautes, connaît l’art des indulgences atroces, explique que ce « brave soldat » a l’esprit troublé et qu’il en existe de nombreux indices. En Indo-Chine, en avril 1892, ainsi qu’il résulte d’une lettre de l’amiral de Cuverville, Freystætter a été puni de trente jours d’arrêt par le général Reiss ; « il avait quitté le théâtre des opérations sans exécuter les ordres du commandant de la colonne, sous prétexte qu’ils étaient confus et ne se prêtaient pas à une exécution immédiate ». — À Madagascar, il a raconté au colonel Marinier qu’à l’époque du procès de Dreyfus, « un grand banquier juif, avec qui il avait été à l’école, mais qu’il avait complètement perdu de vue », l’avait invité de façon suspecte à dîner : « Pour qui me prends-tu donc ? lui avait répliqué Freystætter, dont c’était l’habitude alsacienne de « tutoyer tous les juifs », crois-tu que je ne suis pas homme à voter suivant ma conscience ? » Et Freystætter parlait avec tant de véhémence que Marmier avait craint « qu’il n’eût été influencé, au conseil de guerre, par sa passion antisémite », car « la démarche du banquier n’avait pu être faite qu’avant le prononcé du juge-

  1. Voir p. 62.