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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/528

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


éclaire, simplifie tout, qu’Esterhazy avoue à mi-mot[1], et sans laquelle Henry ne serait qu’un monomane, impossible d’expliquer l’Affaire ; et, de plus, cette interprétation permet de diminuer la responsabilité des grands chefs, dupes d’un misérable et non plus auteurs principaux d’un crime. Le danger, c’était de laisser les juges en face du fameux dilemme : Mercier ou Dreyfus ; Labori disait : Esterhazy (avec Henry) ou Dreyfus ; et cela était à la fois conforme à la vérité et politique.

Il n’y aurait donc eu aucun inconvénient à ce plaidoyer, où Labori, sans aborder le cas particulier de Dreyfus qui appartenait à Demange, s’élevait au drame dans son ensemble, et dont plusieurs morceaux sont excellents. Aussi bien, ce dont Bernard Lazare et, avec lui, Mathieu Dreyfus, s’inquiétaient, ce n’était pas du fonds de son discours ni même de la forme, malgré sa complaisance aux mots d’enflure et aux tumultes d’esprit, mais du ton et du geste, de la perpétuelle apostrophe et du poing tendu. Cependant Labori, après avoir pareillement manqué de mesure au procès de Zola, quand il interrogeait les témoins, en avait fait preuve dans son plaidoyer, et, certainement, il s’endiguerait à nouveau.

Ce fut, ou à peu près, ce que je dis aux quelques per-

    manœuvre, suivant moi, plus grave encore : le 28 octobre, Papillaud reçoit à la Libre Parole la lettre que voici : « Mon cher ami, etc. Signé : Henry » Dès que l’affaire s’engage, dès qu’Henry entre en contact avec Dreyfus, sa mauvaise foi éclate, incompréhensible. Il n’est pas alors question pour lui de défendre à tout prix une œuvre personnelle ; si son but n’est point d’assurer le salut du véritable traître caché dans l’ombre qu’on épaissit autour de lui, Henry n’est point en cause et pourtant, déjà, il est pour la malheureuse victime l’ennemi féroce et déloyal… Quand Cuers propose de faire des révélations, Henry réussit à se faire envoyer à Bâle… etc. »

  1. Voir p. 271, et t. II, 79, 451, etc.