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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/593

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APPENDICE


public Le verdict même du conseil de guerre, qui a admis des circonstances atténuantes, le vœu immédiatement exprimé que la sentence fût adoucie, sont autant d’indications qui devaient solliciter l’attention.

À la suite du jugement rendu en 1894, Dreyfus a subi cinq années de déportation. Ce jugement a été annulé le 3 juin 1899, et une peine inférieure, tant au point de vue de sa nature que de sa durée, lui a été appliquée. Si l’on déduit des dix années de détention les cinq années qu’il a accomplies à l’île du Diable, — et il ne peut en être autrement, — Dreyfus aura subi cinq années de déportation, et il devra subir cinq années de détention. On s’est demandé s’il n’était pas possible d’assimiler la déportation à la réclusion dans une prison cellulaire et, dans ce cas, il aurait presque complètement purgé sa condamnation. La législation ne semble pas le permettre ; il suit de là que Dreyfus devrait accomplir une peine supérieure à celle à laquelle il a été effectivement condamné.

Il résulte encore des renseignements recueillis que la santé du condamné a été gravement compromise et qu’il ne supporterait, pas, sans le plus grave péril, une détention prolongée.

En dehors de ces considérations, de nature à éveiller la sollicitude, d’autres encore, d’un ordre plus général, tendent à la même conclusion. Un intérêt politique supérieur, la nécessité de ressaisir toutes leurs forces ont toujours commandé aux gouvernements, après des crises difficiles, et à l’égard de certains ordres de faits, des mesures de clémence ou d’oubli. Le gouvernement répondrait mal au vœu du pays, avide de pacification, si, par les actes qu’il lui appartient, soit d’accomplir de sa propre initiative, soit de proposer au Parlement, il ne s’efforçait pas d’effacer toutes les traces d’un douloureux conflit.

Il vous appartient, Monsieur le Président, par un acte de haute humanité, de donner le premier gage à l’œuvre d’apaisement que l’opinion réclame et que le bien de la République commande.