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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/99

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CHAMBRES RÉUNIES


dans une furieuse diatribe, mirent en cause le Président de la République et dénoncèrent son « indignité », le président des assises (Tardif) et l’avocat général (Lombard) firent entendre seulement quelques observations ; mais le Procureur général, qui siégeait aux côtés de son substitut, garda le silence. Les camarades d’un pauvre diable de socialiste, qui auraient déposé en sa faveur, eussent été bousculés ; Coppée, Lasies, surtout Rochefort, furent écoutés avec une respectueuse déférence[1]. Le général Hervé eût pu se borner à rappeler que « son amitié pour Déroulède était née sur les champs de bataille et s’était maintenue en dehors, au-dessus de la politique » ; il ajouta cette tirade apprise : « Si l’on venait à être surpris par la guerre, je n’hésiterais pas à faire appel au clairon de Déroulède pour ramener la confiance en ce moment ébranlée dans l’armée ; ce clairon est un engin de guerre ; je prie le jury de ne pas le briser. » Le substitut ne trouva pas un mot à dire, et Krantz lui-même ne demanda d’explication au général qu’après en avoir reçu l’injonction formelle de Loubet et des présidents des groupes républicains dans les deux Chambres. Hervé allégua que « sa déposition avait été mal interprétée[2] », et Dupuy se contenta de cette défaite. Après quelques jours d’énergie, le temps de se faire donner un vote de confiance par les républicains, il revenait à son jeu habituel et à ses complaisances pour les nationalistes.

Les jurés, comme on l’a dit, furent-ils triés, épurés

  1. Bourget et Vogüé se contentèrent d’écrire en faveur de Déroulède.
  2. Lettre du 31 mai au ministre de la Guerre : « J’espère que les explications verbales que j’ai eu l’honneur de vous donner seront de nature à vous satisfaire ainsi que M. le Président de la République. »