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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/145

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L’AMNISTIE


mettre au service des faibles ou des forts ? » Et de quoi s’effare-t-il ? Des paroles de Millerand ? Que ne regarde-t-il à ses actes ? « Barthou lui-même eût été aussi propre à intervenir à coups de feu dans les grèves[1]. »

Waldeck-Rousseau prononça son discours-programme à Toulouse[2].

On l’aurait fort étonné, deux ans avant, en lui annonçant qu’un jour, si tôt, les radicaux, qu’il avait tant malmenés, contre lesquels il avait tant de préjugés de libéral, c’est-à-dire d’aristocrate en politique, l’acclameraient comme leur chef, et l’on n’aurait pas moins étonné les radicaux pour qui, par sa tournure d’esprit, la qualité de son intelligence, même par son aspect un peu sec et énigmatique, il était presque un homme d’une autre race. Aussi bien l’événement réalisé les surprenait-il, eux et lui, autant qu’aurait fait la prophétie ; et c’était, en effet, un spectacle singulier que celui de cet auditoire méridional, accoutumé aux périodes sonores, aux grands gestes, aux promesses irréalisables, qui applaudissait avec le même élan à cette froide parole, à ce langage philosophique, presque métaphysique, à cette politique réfléchie, qui se proposait un but précis et qui manifestait l’intention de ne pas le dépasser.

Bien qu’il se flatte de professer, depuis un quart de siècle, les mêmes opinions, soit sur l’affaire des congrégations, — cette politique anticléricale qui est redevenue la grande pensée du parti républicain, — soit sur ces questions sociales et ouvrières auxquelles les pouvoirs publics sont restés trop longtemps inattentifs, Waldeck-Rousseau s’inquiète de parler si bien au cœur

  1. La Honte, 260.
  2. 28 octobre 1900.