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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/15

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L’AMNISTIE


leur. » L’hypocrisie était bien le seul vice qu’on ne lui eût pas encore reproché. Les catholiques lui marquèrent leur satisfaction par la bouche d’Arthur Meyer, récemment baptisé, qui s’écria : « Dieu reparaît ! »

Cependant la lassitude était si générale que les polémiques ne se rallumèrent point, comme Waldeck-Rousseau en avait eu la crainte. Je m’inscrivis contre l’amnistie annoncée, ainsi que Clemenceau et Havet[1] ; Drumont, Judet ripostèrent que Dreyfus était déclaré coupable par un sixième ministre de la Guerre ; et ce fut tout pour l’instant, parce que c’était trop tôt. On avait besoin, de part et d’autre, de reprendre haleine, de laisser passer la fatigue d’un long combat, lourde aux épaules les plus robustes.

Deux ou trois d’entre nous, qui n’auraient pas hésité à braver cette fatigue pour amorcer tout de suite une deuxième procédure en revision, furent arrêtés par d’autres obstacles.

Comme la revision peut être demandée quand un des témoins entendus a été poursuivi et condamné pour faux témoignage[2], il suffisait d’établir juridiquement un seul faux témoignage, parmi tant de dépositions mensongères qui avaient été produites à Rennes, pour saisir à nouveau la Cour de cassation. Mathieu Dreyfus pensa d’abord à Cernuski. Il me raconta que le roman du prétendu héritier des rois serbes (à la séance du huis-clos) reposait sur des confidences qu’un de ses compatriotes, Adamovitch, aurait reçues d’un professeur viennois, le docteur Mosetig, conseiller aulique[3], et il me pria de me mettre en quête de ce dernier. Le

  1. Siècle du 22 septembre 1899, Aurore des 24 et 26, etc.
  2. Article 443 du Code d’instruction criminelle.
  3. Voir t. V, 487.