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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/188

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


damné Judet en première instance lui suffisent. Galliffet lui ayant fait remettre le dossier de son père, il y avait trouvé la preuve qu’ici encore Henry avait fabriqué des faux[1].

Les avocats de Mme Henry lui conseillèrent inutilement de laisser son procès, sa demande en 200.000 fr. de dommages-intérêts ; ils eussent préféré « éloigner d’eux cette douleur importune[2] ».

La loi d’amnistie ne m’enlevait pas entièrement la faculté de faire la preuve que je n’avais rien avancé d’inexact en expliquant le rôle d’Henry par sa complicité avec Esterhazy. Si j’ai dit la vérité, je n’ai pas commis de faute, je n’ai causé aucun tort dont je doive réparation, — ou il faut mettre un bâillon à l’histoire ; et comment décider que j’ai dit ou que je n’ai pas dit la vérité sinon par une enquête ? Que le tribunal, libre de l’accorder ou de la refuser, l’ordonne, j’y appellerai les mêmes témoins qu’à la cour d’assises ; ils seront entendus, non plus dans le fracas d’un débat public, mais dans le cabinet paisible d’un magistrat enquêteur ; et voilà rouvert le chemin de la revision.

Dreyfus, nombre de revisionnistes, espérèrent longtemps que j’obtiendrais l’enquête, que le fait nouveau en sortirait.

Un incident pénible me fit retirer mes dossiers à Labori, qui avait voulu me les rendre après Rennes[3].

Labori, à ma demande, avait confié à Cornély la chronique politique de la Grande Revue qu’il dirigeait et dont les principaux actionnaires étaient des partisans notoires de Dreyfus. Cornély, parce qu’il avait

  1. Voir t. III, 608.
  2. Tribunal civil de la Seine, audience du 1er juin 1902, plaidoirie de Chenu.
  3. Labori, dans le Journal du 4 décembre 1901.