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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/210

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

VI

Mathieu Dreyfus, tantôt à Paris, tantôt de Mulhouse, continuait à rechercher le « fait nouveau ». Il procédait avec sa méthode et sa circonspection ordinaires, aussi libre de ses mouvements qu’il avait été gêné autrefois pendant la captivité de son frère ; mais alors tout était à découvrir, tandis qu’à présent le principal du mystère était éclairci ; il n’y avait plus dans cette histoire que des coins d’ombre et, dès lors, la difficulté était extrême de trouver un fait ou un document qui pût être admis comme une preuve inédite de l’innocence de son frère.

Picquart allait répétant que « Dreyfus, quand on lui parlait de sa réhabilitation, se retranchait derrière ce prétexte spécieux qu’il était difficile de trouver le fait nouveau dont il avait besoin[1] ». Pourtant, rien qu’un « fait nouveau » pouvait ouvrir la procédure en revision. Comment Picquart l’eût-il ouverte ? La loi — surtout pour Dreyfus — était la loi.

Ni le faux témoignage de Cernuski, dont Mathieu avait la preuve par une déclaration, en bonne forme, du conseiller aulique Mosetig, ni celui de Savignaud, démontré par la correspondance de Scheurer et de Leblois, ni la déposition d’Esterhazy devant le Consul de France à Londres, ne permettaient de s’adresser avec quelque chance à la justice. L’avis de Demange, toujours prudent, celui de Mornard, qui connaissait

  1. C’est ce qu’il écrivit encore dans la Gazette de Lausanne du 2 mai 1903.