Aller au contenu

Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
207
LE BORDEREAU ANNOTÉ


articles des journaux nationalistes où il était question soit des huit lettres de l’Empereur allemand, soit du bordereau annoté. Il lui paraissait, comme à moi, que les lettres avaient dû être une première ébauche, grossière, du faux qui s’était condensé ensuite dans le bordereau sur papier épais, le bordereau sur papier pelure en étant censé le décalque[1]. Peut-être les lettres n’avaient-elles jamais existé « à l’état de faux matériel[2] ». C’était l’opinion d’un jeune professeur, Raoul Allier, qui collaborait au Siècle, avait publié quelques travaux d’histoire très pénétrants, où il allait au fond des choses[3], bon théologien, ce qui aide fort à être un critique minutieux et méthodique, et que le problème du bordereau annoté avait piqué d’une vive curiosité. « Je faisais, dit-il, une étude pour moi ; je ne savais pas où elle me conduirait ni même si elle me conduirait quelque part… », ce qui est la condition première des expériences loyales et vraiment scientifiques. On peut contester plusieurs des conclusions de Raoul Allier ; nul n’a plus contribué que lui à dégager la solution qui, s’accordant avec tout le connu de l’Affaire, en explique plus rationnellement l’inconnu[4].

Entre temps, j’eus l’affirmation d’Émile Ollivier « qu’un de ses amis, absolument digne de confiance, avait vu l’une des huit photographies qui avaient été tirées du bordereau annoté », avant que Casimir-Pe-

  1. Voir t. II, 583.
  2. Raoul Allier, Le Bordereau annoté, 62.
  3. L’Affaire Calas, La Cabale des dévots.
  4. L’étude d’Allier, qui parut d’abord dans le Siècle, du 12 avril au 4 mai 1903, comprend trois parties : Quelques mystères ; l’hypothèse ; les contre-épreuves. « Une seule presse, écrit-il, dans sa préface, a été admise à déposer devant moi, c’est la presse dite « nationaliste » ; sur les actes de l’ancien État-Major, je n’ai consulté que les feuilles qui l’ont soutenue. »