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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/219

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LE BORDEREAU ANNOTÉ


grosses larmes qu’il ne retint pas[1], le désignèrent à Mercier qui lui envoya un émissaire.

Des amis, que Mathieu avait à Montpellier où Merle s’était retiré, essayèrent de le faire parler ; il s’y refusa, au premier mot coupa net ; et Mathieu commençait à renoncer quand le docteur Roger Dumas, qu’il avait mis dans la confidence, lui proposa de tenter l’aventure. Dumas, médecin de campagne[2], à la fois par goût pour les champs et pour les humbles, était l’un de ces revisionnistes dont l’Affaire avait bouleversé l’existence, qui en restaient hantés comme au premier jour et qui portaient une touchante envie à quiconque avait eu le bonheur d’y collaborer. L’idée d’avoir sa pierre dans le monument lui fut une joie. Très connu à Montpellier, où il a fait ses études, il y passera quelques semaines à l’époque des vacances, trouvera le moyen de se lier avec Merle. Mathieu ayant accepté, Dumas partit peu après pour Montpellier, y fit la connaissance de Merle et ils furent vite si contents l’un de l’autre qu’une grande familiarité s’établit entre eux[3].

Nous avons des entretiens de Dumas et de Merle (octobre 1902), les versions des deux interlocuteurs ; elles sont contradictoires, sans être inconciliables.

Le récit de Dumas[4] donne une sensation de « chose vue » qui ne trompe pas. La vérité du récit est certainement objective ; comment ne le serait-elle pas ? Il n’est pas un cinématographe qui reproduit la succes-

  1. Voir t. V, 526.
  2. À Pontchartrain (Seine-et-Oise).
  3. Souvenirs de Mathieu Dreyfus.
  4. Lettre du 12 novembre 1902 à Mornard ; cette lettre fut communiquée à Jaurès qui en donna lecture à la Chambre dans la séance du 7 avril 1903 (Voir p. 232). — Déposition du 7 mai 1904, reçue par Garas, conseiller à la Cour de cassation.
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