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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/230

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


action à l’égard du pays. Les radicaux ne comprenaient pas que Combes eût donné si vite son assentiment à une initiative aussi dangereuse qu’inattendue, en pleine bataille contre les cléricaux et leurs alliés du Centre, alors que tout ce qui risquait de désagréger le « Bloc » ne pouvait profiter qu’aux partis d’Église. Même des socialistes parurent récalcitrants. De toutes parts, on objurgue Jaurès de ne pas donner suite à son projet, tout au moins de l’ajourner, on lui prodigue les conseils et les avertissements, on le prévient qu’il assume la responsabilité la plus lourde.

Jaurès, qui s’attendait à cette résistance, bien qu’il ne la prévît point aussi vive, ne se laissa pas troubler. Il cachait sous ses véhémences oratoires des qualités de diplomate, sous sa lourdeur beaucoup de finesse paysanne, et excellait à ces campagnes de couloirs où, dans la familiarité des conversations, on fait valoir ces arguments de derrière la tête qui sont, parfois, les meilleurs, et où il avait l’habitude d’essayer ses arguments de tribune. Prenant les députés un à un, il proteste que, s’il tient, quant à lui, une nouvelle revision comme nécessaire, il ne cherche pas cependant à mêler l’action judiciaire à l’action politique et développe ingénieusement ce sophisme. C’est un débat d’un caractère exclusivement politique qu’il veut instituer. C’est dans un intérêt politique qu’il veut apporter à l’Affaire un supplément de clarté. Est-ce que le danger, depuis le début de la crise, n’a pas été créé par l’ignorance et, aussi, par la peur ? C’est l’ignorance et c’est la peur qui ont permis à Méline et à Billot de faire le jeu des partis d’Église et de césarisme. C’est par ignorance et par peur que la Chambre a voté l’affichage des faux d’Henry patronnés par Cavaignac. La leçon n’a-t-elle pas été assez dure ? ne suffit-elle pas ? De quoi a-t-on