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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/251

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LE BORDEREAU ANNOTÉ


de Paris lui avait adressée dans la matinée. Zurlinden y relatait sa conversation avec Pellieux, ses efforts, d’abord inutiles, pour le faire revenir sur sa démission, et comment il avait gardé la lettre pendant trois jours avant de la retourner au général : « J’ai cru vous en avoir parlé à vous-même, mais j’ai fait confusion ; c’était pour une autre affaire, concernant aussi le général de Pellieux ; peut-être en ai-je parlé à votre chef de cabinet (Roget) ; mes souvenirs ne sont pas précis à cet égard. »

Ribot dit que cette lettre de Zurlinden était « très honorable » ; Briand que « c’était une lettre de complaisance ».

Un autre que Cavaignac se fût contenté d’avoir établi qu’il n’avait pas reçu la lettre de Pellieux ; — pourtant, il en fut certainement informé, puisqu’il avait dit la veille que le général, après l’avoir écrite, l’avait regrettée, et qu’il s’était défendu de ne l’avoir point mise au dossier de Dreyfus ; — mais il n’était pas homme à ne reparaître à la tribune, après le long silence où les événements l’avaient condamné, que pour sa défense personnelle. Dès qu’il s’est expliqué sur l’incident, il attaque, avec toute l’âpre virulence des déceptions et du fiel qui fermentent en lui, l’entreprise revisionniste, toute la politique du « bloc ». « Vous n’êtes pas ici les serviteurs de la vérité ; vous êtes les esclaves de vos passions… Votre entreprise est une cause de désorganisation et de reniement national… » Les socialistes le huent ; il se tourne vers eux, les toise, riposte à leurs injures par d’autres injures et par des défis : « Vous figurez-vous que nous prendrons en face de vous l’attitude d’accusés ? Êtes-vous tous des lâches comme M. Jaurès ? » Jaurès crie « que M. Cavaignac ne relève que de ses dédains ».

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