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LE BORDEREAU ANNOTÉ


Merle n’a rien dit à Dumas[1] ; Mercier dément tout ; Stoffel « ne sait de quoi il s’agit[2] ».

Il n’y a pas de doute que Stoffel, rien que pour le plaisir de jouer à l’homme renseigné, ait été l’un des propagateurs actifs de la légende ; c’est sous sa dictée, dans son propre cabinet, que Ferlet a écrit le texte de l’annotation impériale. Ferlet, dans une longue lettre à Jaurès[3], raconte ses conversations avec Stoffel ; son ton de vérité ne trompe pas ; sa conviction, d’ailleurs, reste entière : « Rappelez-vous la nuit historique, la démission de Casimir-Perier… Voilà ce qui illumine toute l’Affaire ».

Jaurès remercia Ferlet de sa loyauté ; je lui adressai une lettre ouverte[4] où j’encadrai deux lettres de Casimir-Perier et du prince de Munster. L’ancien Président de la République s’indignait contre les journalistes qui, « pour le mettre en cause, inventaient le texte d’une lettre de l’Empereur d’Allemagne[5] » ; Munster s’expliquait sur les rapports de Schwarzkoppen avec Esterhazy[6]. C’était la première fois que paraissait, sous la signature d’un homme d’État allemand, l’affirmation que l’espion aux gages de Schwarzkoppen était Esterhazy. On pouvait soutenir que c’était là, aux termes de la loi sur la Revision, la pièce nouvelle, inconnue lors des débats, qui tend à démontrer l’innocence du condamné.

Mornard ne fut pas d’avis de former immédiatement une requête en revision, surtout, comme l’eût voulu

  1. Voir p. 213.
  2. Temps du 20 et du 21 avril 1903.
  3. Du 9 avril 1903 (Cass., IV, 632).
  4. Du 25 avril (Cass., IV, 638). Voir Appendice I.
  5. Du 25 novembre 1897.
  6. Du 20 mai 1901.