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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/269

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L’ENQUÊTE


autre chose que des raisonnements et des hypothèses, constituait, manifestement, le fait nouveau. La revision était là, dans la paperasse intacte de Gribelin, et elle allait sortir encore une fois, comme il y a cinq ans, des faux d’Henry.

Ce fut encore Gribelin qui révéla que, simple « porte-plume[1] » entre les gros doigts d’Henry, il avait, par son ordre, recopié et falsifié toute la comptabilité du Service qui était relative à Val-Carlos.

Quand Picquart avait pris la direction du service des Renseignements, Henry lui avait confié que « la personne honorable » qui l’avait fait avertir, en 1894, par Guénée, qu’un officier du ministère de la Guerre trahissait et dont il avait invoqué le témoignage devant le conseil de guerre, jurant sur le Christ qu’elle lui avait nommé Dreyfus[2], c’était le marquis de Val-Carlos, lieutenant-colonel de cavalerie et attaché militaire d’Espagne[3]. Val-Carlos, dit-il à Picquart, n’avait parlé que par dévouement pour la France et demandait, pour toute récompense, la rosette de la Légion d’honneur[4]. Picquart, un peu surpris, avait fait longtemps « la sourde oreille », s’était décidé pourtant à entretenir Boisdeffre du désir de l’Espagnol et, finalement, s’en était tiré en donnant 1.500 francs à Henry pour payer une dette de jeu de son informateur. Mais ce que Picquart n’avait point su[5], parce que ni Gonse ni Henry ne lui en avaient

  1. Cour de cassation, 21 mars 1904, Gribelin : « L’ordre de recopier le registre m’a été renouvelé sous une forme toute particulière que j’ai encore très présente à la mémoire. » Le colonel Henry m’a dit : « En ce qui touche aux fonds secrets, vous n’êtes qu’un porte-plume. »
  2. Déclaration du 17 septembre 1903. (Cass., IV, 40.)
  3. Voir t. I, 45 et 417.
  4. Cour de cassation, 7 mai 1904, Picquart.
  5. Ibid. : « J’ai entendu dire ici que M. de Val-Carlos recevait des mensualités ; or, je n’en ai jamais rien su. »