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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/300

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


ment du point de vue historique qui n’est pas le juridique, et n’aperçoit pas davantage « d’élément légal de revision » dans le registre frauduleux d’Henry et les faux témoignages de Cernuski et de Savignaud. Deux pièces seulement, les lettres falsifiées de Panizzardi, doivent être retenues, parce qu’« il n’est pas téméraire de penser qu’elles ont pu avoir sur l’opinion des juges une influence suffisante pour entraîner la condamnation » ; « une réponse négative de plus à la question de culpabilité eût amené l’acquittement[1] ».

Toutefois, Boyer ne conclut pas de ces faux à l’innocence de Dreyfus, mais à la nécessité « d’un supplément d’information ». La Cour ne possède pas les pièces originales ; elle voudra les voir, les soumettre à un nouvel examen, et, sans doute, étendre aussi ses investigations à tous les faits de la cause.

Baudouin remplit près de deux audiences pour aboutir aux mêmes conclusions.

Sept conseillers, sur seize, n’ont pas assisté aux débats de la première revision ; « ils ne savent donc rien » — c’est la fiction juridique — « de l’affaire qu’ils vont avoir à juger[2] » ; il convient de la leur apprendre.

Quand on se reportait par la pensée, en écoutant Baudouin, au vieux Manau, l’on mesurait entre ces deux hommes toute la distance qui séparait de la phase héroïque et orageuse de l’Affaire les temps calmes et un peu épais où l’on était descendu, et encore la différence entre deux générations, ces républicains d’autrefois, restés au fond d’eux-mêmes des révolutionnaires, et les républicains apaisés, qui toujours s’étaient

  1. Cass., IV, 55, Boyer.
  2. Ibid., 63, Baudouin.