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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/327

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L’ENQUÊTE


la faute d’un seul au corps, à la classe ou à la race dont il fait partie. Il n’y a pas cependant d’autres complices à chercher à Gohier et à Hervé que ces chefs. C’est une douleur que de telles pages aient été écrites par des officiers et c’est un malheur qu’elles aient été publiées.

On eût voulu que Galliffet se montrât le vrai soldat qu’il avait été. Il étala toujours ses défauts ; il survivait à ses éclatantes qualités. Son thème, qui eût été inacceptable d’une intelligence de l’avant-dernier ordre, fut « qu’il ne connaissait rien de l’Affaire », « pas un traître mot[1] », et que, si Waldeck-Rousseau lui avait fait appel, c’était pour cela et « parce qu’il ne craignait pas les coups ». Il avait tenu, bien ou mal, son rôle dans l’une des grandes tragédies de l’histoire ; il en parla comme d’une comédie, bouffonna, répondit aux questions des conseillers et du Procureur général par des facéties séniles, deux fois tristes. Ainsi, quelque temps avant le procès de Rennes, lorsque Carrière lui a demandé à être assisté par un avocat, parce que « l’affaire était trop grave pour lui », il aurait répondu à l’imbécile que « ses grandes qualités, son grand talent et sa haute science suffiraient certainement à la besogne qui lui était imposée » Lorsque Carrière a désobéi à l’ordre de se renfermer dans les limites tracées par l’arrêt de la Cour de cassation[2], « il en a été enchanté », parce que, « si le procès avait tourné autrement », si l’innocent avait été acquitté, on l’eût accusé

  1. Baudouin lui communiqua la lettre qu’il m’avait adressée le 17 juillet 1899 et que j’avais déposée : « Au talent des défenseurs, il faut joindre certains procédés qui appartiennent au gouvernement et surtout au ministre de la Guerre… etc. » (Voir t. V, 246.) Il s’en tira par des plaisanteries : « M. Reinach me criait : « Au voleur ! » alors j’ai répondu : « Soyez tranquille, il y a des gendarmes. »
  2. Dépêche du 16 août 1899.