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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/346

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


gère ». Or, les mots « en 1894 », avaient été grattés par une main inconnue, aussi bien sur l’original de l’ordre que sur la copie qui en avait été dressée par Villeroche. Le faussaire avait pensé étendre ainsi le bénéfice de l’acquittement à tous les faits de trahison qu’Esterhazy avait commis jusqu’au jour de sa mise en jugement et lui assurer une impunité définitive.

XII

Les principaux artisans de la Revision avaient fort aidé, un peu à l’exemple des Jansénistes[1], « à élever la moyenne du bon sens et à vulgariser la critique ». Il ne leur arriva pas moins de méconnaître les principes qu’ils avaient posés, d’écouter leur passion plus que leur raison et de prendre des apparences pour des certitudes.

Bernheim était ce jeune officier qu’Esterhazy avait rencontré à Rouen, peu de jours avant d’écrire le bordereau, auquel il demanda de lui prêter le manuel d’artillerie et qui lui envoya le règlement sur le service des bouches à feu. Quand la dénonciation de Mathieu Dreyfus se produisit, Esterhazy imagina de dire que Bernheim lui avait prêté, non pas le règlement, mais le manuel ; comme l’État-Major datait alors le bordereau du mois d’avril, Schwarzkoppen aurait eu, dès le printemps, le manuel qu’Esterhazy n’avait eu qu’à l’automne ; mais Bernheim, interrogé par Pellieux, lui répondit, d’abord par lettre[2], puis, dix jours après,

  1. Sainte-Beuve, Port-Royal, III, 156.
  2. De Châlons, le 20 novembre 1897.