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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/373

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L’ENQUÊTE


acheté, « moyennant la somme de 5.000 francs », à un fournisseur étranger, qui était connu seulement sous le pseudonyme d’Austerlitz, « un document de très sérieuse valeur ». On reçut la lettre d’avis d’Austerlitz un certain soir à 7 heures ; il fallait partir à 9. « Soit que la caisse de l’archiviste fût alors insuffisamment garnie, soit qu’il eût déjà quitté le bureau, on prit l’argent, vu l’urgence, dans la caisse de réserve. » Il donna un reçu provisoire à Henry, alors chef de bureau.

Il y avait près d’un an qu’Henry était mort.

Comme Mareschal avait eu, en 1898, du vivant d’Henry, une première entrevue avec Austerlitz, il lui fut facile, deux jours après, d’expliquer la confusion de ses souvenirs. Il persista, par contre, à dire qu’en 1899, il avait remis seulement 5.000 francs à l’espion. Atthalin lui présente le livre de réserve qui porte à cette même date du 16 août, non seulement le prélèvement de la dépense des 20.000 francs, de la main du capitaine François, mais encore cette mention, de la main de l’archiviste Dautriche : « Documents fournis par Austerlitz. » — « J’affirme, répond l’officier, que, pendant le temps que j’ai passé au bureau, la plus grosse somme que j’ai emportée a été de 10.000 francs. » Il fallut qu’Atthalin lui mit sous les yeux son propre reçu de 20.000, de la main de Dautriche, mais qu’il avait signé. Mareschal allégua alors « une véritable absence de mémoire » ; « il a dû remettre ces 20.000 francs à Austerlitz[1] ».

Étrange amnésie ; comment un tel prix, le prix le plus fort dont le service aurait payé des documents d’espion-

  1. « Si Mareschal avait immédiatement reconnu que cette inscription correspondait à une dépense réelle de 25.000 francs, l’incident aurait sans doute été bientôt terminé., » (Revision, I, 351, Moras.)