Aller au contenu

Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/467

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
457
LA REVISION


ménagement, constata la dérobade, l’effondrement : « Vous n’avez pas parlé. Vous avez fait semblant de parler[1]. »

VI

Mornard, pour la quatrième fois[2], plaida cette grande cause[3], la renouvela par une forte synthèse, esquissa, à larges traits, le procès de l’antisémitisme. C’était « la cause première, non pas de l’accusation elle même, mais de la déviation de l’instruction judiciaire », et de cette perversion des esprits qui, seule, avait rendu possible tant de folies et de crimes. — Le virus, nullement français, « importé des régions de l’Est », dès qu’il est inoculé à certains cerveaux, « les met rapidement hors d’état de raisonner sur le cas spécial d’un juif[4] ». Entre ces yeux, clairs à l’ordinaire, ces cerveaux, le plus souvent lucides, réfléchis et logiques, ces consciences droites et simples, et les faits, s’interpose, comme un verre grossissant et déformateur, l’image, la légende du juif qui est Judas. Race de l’Iscariote, race de traîtres. Parce que, par nature et par atavisme, tout est objet de trafic et de négoce pour le juif, il est, quand il s’agit des choses de l’armée et de la patrie, « le traître en puissance ». Catholique ou protestant, ou libre-penseur, dès qu’il est atteint, infesté d’antisémitisme, le

  1. Silence du général Mercier, nouvelle lettre de Gaston Méry dans la Libre Parole du 13 juillet 1906.
  2. 1898, 1899 et 1904. — Voir t. IV, 4 ; V, 97 et VI,
  3. 5, 6 et 7 juillet 1906. — Revision, t. II, 273 à 480.
  4. Revision, II, 277 et suiv.