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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/480

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


ration de l’innocence de Dreyfus, les trois Chambres furent unanimes (11 juillet). Il avait rédigé lui-même l’arrêt, sur des notes de Moras, les ramassa, les marqua de son empreinte[1]. La lecture publique en fut fixée au lendemain.

L’audience, le 12, fut ouverte à midi. Sauf les conseillers, tous les assistants debout, dans un grand silence.

Lourd, massif, encore élargi par l’ample costume, Ballot-Beaupré lut, simplement, comme il aurait lu tout autre arrêt, comme il les lisait. Pas un mot, pas une syllabe ne tomba, ne se perdit.

Cette belle et limpide langue du Code, au vocabulaire peu abondant, un peu sec, mais précis, solide, convient merveilleusement à l’histoire. Tout le dispositif de l’arrêt est une page d’histoire qu’on écoute, qu’on suit comme un récit. Sans « l’attendu que… » obligatoire par où commence chaque paragraphe, on oublierait qu’il s’agit d’un arrêt, le plus solennel, le plus longtemps attendu des arrêts de justice. Tantôt Ballot-Beaupré touche les sommets, tantôt il s’arrête, résume l’épisode dans une large formule, descend au détail, détail décisif, à celui qui explique, éclaire tout le problème, rend inutile tout supplément de démonstration, toute contradiction impossible ; puis il repart de son pas régulier, tranquille, la route déblayée, à jamais libre derrière lui, les yeux sur le but, sûr d’arriver. Pas une parole, pas un geste de colère, le qualificatif toujours exact, qui n’offense pas, qui n’atténue pas, parfois de l’ironie, de cette ironie supérieure qui ne sort pas des mots, mais du rapprochement des faits.

D’abord, les « faits nouveaux ». Ce sont les mêmes

  1. Voir Appendice VIII.