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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/50

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


défaillance ; mais c’est sa tenace pensée de derrière la tête et il ne se lassera pas de protester, le long de la guerre qu’il va engager, que dissoudre celles des congrégations qui ne se soumettront pas à la loi, leur prendre (ou leur reprendre) leurs biens, leur interdire l’enseignement, ce n’est pas « attaquer l’Église[1] ». Il l’émonde des branches folles qui boivent le meilleur de sa sève ; il ne la scie point au tronc.

Il traduit cette fine et forte politique dans un projet qui n’est ni moins vigoureux ni moins subtil.

Peu d’hommes sont entrés dans la vie politique avec des solutions plus arrêtées et leur sont restés plus fidèles à travers les changements les plus imprévus. Ce projet de 1899 sur le contrat d’association, qui, tout à la fois, fonde une liberté, — de toutes les libertés celle qui contient en germe le plus grand nombre de réformes sociales, — et qui fait rentrer dans le droit commun les congrégations, — sans les nommer, d’ailleurs, ni dans le dispositif ni même dans l’exposé de la loi, rien que par l’application automatique de la définition d’où vient de sortir la nouvelle liberté, — c’est la reproduction presque textuelle du projet qu’il a déposé, une première fois, après la chute du ministère Gambetta, en 1882, et, de nouveau, l’année d’après, au nom du ministère Ferry. À dix-huit ans de distance, même méthode, même artifice : écarter les arguments politiques, feindre de les ignorer, procéder par la seule interprétation des principes généraux du droit, écrire simplement en tête de la loi que « le contrat d’association, l’association, est une convention », — ce qui est l’évidence, mais ce dont il fallait s’aviser, — comme le

  1. Discours du 11 avril 1900 à la Chambre des députés, du 28 octobre à Toulouse, etc.