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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/79

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L’AMNISTIE


des chefs criminels[1] », n’avait jamais intéressé l’ancien royaliste que comme une occasion ou un prétexte. Il attendait une révolution, une « catastrophe » ; l’affaire Dreyfus, comme autrefois l’affaire du Collier, ne sera qu’un prologue : « Des mains audacieuses ont arraché les voiles et la défroque somptueuse des idoles sociales ; on a vu ces idoles nues ; on les a trouvées pourries ; encore un coup de pic : elles s’effondrent[2]. »

C’était à précipiter « les idoles pourries » et, d’abord, l’institution militaire qu’il s’employait dans l’Aurore et, comme on peut penser, à la grande satisfaction de ses anciens amis, non point qu’il y eût quelque accord secret entre eux, mais à cause du profit qu’ils tiraient contre nous de sa frénésie. Désavoué déjà par quelques uns des revisionnistes les plus autorisés[3], il ne l’avait pas été cependant avec la vigueur qu’il eût fallu. Beaucoup en avaient peur. En octobre, quand Galliffet réclama des poursuites contre lui, à l’occasion d’un article plus particulièrement odieux, Jaurès se solidarisa avec lui : « Si Gohier est coupable, nous le sommes ; si Gohier peut être poursuivi, nous pouvons et nous devons l’être[4]. » Clemenceau consentit une fois de plus à invoquer en sa faveur « le principe de la liberté qui suppose le droit d’émettre toute opinion, même la plus choquante[5] ».

  1. Urbain Gohier, Histoire d’une trahison (1889-1903), 5.
  2. Ibid., 7.
  3. Voir t. IV, 149.
  4. Petite République du 27 octobre 1899.
  5. Aurore du 31 : « Des prétoriens, revenus triomphants des plus grandes capitulations de l’histoire, prétendent mettre les soldats français aux ordres des congrégations romaines… Quand Gohier ferait cent ans de forteresse, je ne vois pas en quoi cela ferait que la justice et les lois n’aient pas été impunément violées par une bande scélérate de soldats factieux. » — « Gohier sait en quelle estime je tiens son caractère et son