Aller au contenu

Page:Jourdain - Les Décorés, 1895.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
LES DÉCORÉS

neuse blancheur l’ange déchu, plus tard nos petits-fils nous reprocheront notre rigorisme imbécile et notre lâche indifférence qui auront laissé pourrir en pleine misère le plus pur de nos poètes, dans ce Paris où l’on saoûle de millions un Eiffel et une Liane de Pougy.

Peu importe qu’on triche au jeu, ce qu’il exige, le monde bien élevé, c’est qu’on gagne. Or Verlaine a toujours perdu, et pas une fois la déveine ne s’est lassée. Alors l’artiste blessé s’est aigri ; ses coups de boutoir, parfois injustes, ont éloigné ses admirateurs et découragé ses amis ; la maladie s’est abattue sur ses maigres épaules, le vide s’est aggravé, la désespérance s’est infiltrée dans cette âme éternellement inquiète, et le vaincu regarde avec effarement la cohue des vainqueurs qui passe sans le comprendre, sans le connaître, hurlant de joie aux triomphes abjects, traînant le talent dans la boue, et n’écoutant même pas l’amer et suprême sanglot de l’homme qui se grandit par l’aveu même de sa faiblesse :