Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

et je crois qu’il est encore possible de réussir. Il est très utile, et ses rapports avec Florida Blanca le rendent précieux dans un ministère, parce que, aussi longtemps qu’ils resteront tous les deux en place, on peut compter avec certitude sur l’Espagne. De là je vais chez Mme de Chastellux. La duchesse y est ainsi que M. Short. La conversation est légère et plaisante ; nous parlons, entre autres choses, de son portrait du Salon ; M. Short le trouve parfait. Je dis à Son Altesse Royale : « Madame, ce portrait-là n’a qu’un défaut à mes yeux. — Et qu’est-ce donc, ce défaut ? — C’est qu’il ne m’appartient pas, madame. « Le duc de Penthièvre est en ville, et Mme de Chastellux me dit qu’elle est sûre que je l’aimerais. « Il passe sa vie à bien faire. Oui (montrant de la main la duchesse), elle est bien faite, » etc. La comtesse de Ségur entre, suivie du chevalier de Boufflers, puis de l’abbé Saint-Phar. Mme de Ségur demande mon avis sur la situation. Je lui fais des remarques pleines de bon sens, mais sans pouvoir aller plus loin. Elle me dit avoir appris que le duc de La Rochefoucauld doit faire partie du ministère. À neuf heures et demie, je vais dîner au Louvre. Mme de Rully était venue avant mon départ. Elle nous raconta des anecdotes et parla de l’état de la Corse où son mari se trouve actuellement avec son régiment. Chez Mme de Flahaut, nous avons le colonel O’Connel et Mme de Laborde, son amie, avec son mari. Après le dîner arrive l’évêque, et les autres se retirent. Je lui dis ce que je crois pouvoir dire de ce qui s’est passé entre La Fayette et moi ; j’ajoute qu’ayant rempli mon devoir envers lui et envers son pays, mon intention à l’avenir est de me désintéresser de tout et de l’abandonner au cours des événements. Je recommande de s’unir avec ceux qui doivent former le nouveau ministère, et de se déclarer ouvertement candidats, en faisant savoir à la Cour qu’on entrera tous ensemble ou pas du tout. Il m’approuve et pense que les circonstances présentes sont assez fortes pour faire disparaître un autre