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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/119

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

voir La Fayette pour le prier de ne pas faire partie du ministère. Je refuse, mais, finalement, sur son insistance, je promets de lui écrire demain. De là je vais au Louvre ; Mme de Flahaut s’habille ; elle est très fatiguée. L’évêque arrive, je lui fais part de mon intention d’écrire à La Fayette. Il m’approuve et observe qu’il faut veiller sur La Fayette, parce qu’il est utile. Il me dit qu’il n’acceptera pas de place dans le ministère actuel, et j’approuve cette détermination. Il est reçu avec des attentions infinies chez Mme de Laborde, ce qui prouve que l’on s’attend à ce qu’il soit quelqu’un. La figure de Mme de Flahaut s’illumine de satisfaction en regardant l’évêque et moi assis l’un près de l’autre, d’accord ensemble et défendant mutuellement nos opinions. Quel triomphe pour une femme ! Je la quitte pour rentrer avec lui.


16 octobre. — Je vais aujourd’hui chez M. Necker et lui fais part de mon idée de diminuer le prix du pain dans Paris en faisant tomber la différence sur ceux qui emploient des ouvriers ; de sorte qu’en l’estimant à deux sous, le patron serait obligé, quand le pain en vaut quatre, de donner, par exemple, deux, trois ou quatre sous de plus. Je lui soumets aussi l’idée de demander à l’Assemblée la somme nécessaire au ravitaillement de Paris. Sur le premier point, il répond qu’il est impossible de se procurer du blé, et il traite avec mépris l’idée d’être responsable envers la nation d’un tel usage des deniers publics. Je lui dis qu’il ne faut pas compter sur l’Angleterre pour des vivres ; il en semble alarmé. Je lui offre mes services pour en avoir d’Amérique. Il me remercie, mais il a déjà donné ses ordres ; je le savais, sans quoi je n’en aurais pas tant dit. Il ne fait aucune allusion à la dette, ni moi non plus. Je vais de là au club et j’apprends un peu ce que l’on pense du duc d’Orléans. Ses amis ont l’oreille basse, mais le défendent quand même, ce qui est absurde, n’étant pas