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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

ports de notre ami La Fayette avec Mirabeau. Elle veut savoir ce que je voudrais qu’il fît. Je réponds que, s’il me faisait l’honneur de me demander mon avis, je ne pourrais pas lui en donner de bon ; qu’il s’est mis dans le cas de se faire de Mirabeau un dangereux ennemi, s’il le néglige, ou un ami encore plus dangereux, s’il l’aide dans ses projets ; c’est M. Necker qui maintenant joue le beau rôle. Il ne restera pas au ministère, si Mirabeau y entre. Mirabeau insiste pour y entrer, et, s’il réussit, M. Necker aura l’occasion qu’il recherche de se retirer d’un poste aussi dangereux à conserver qu’à quitter à l’heure actuelle. Mirabeau sera poussé à bout et obligé par l’opinion publique d’abandonner la place qu’il aura acquise, et un ministère complètement nouveau sera choisi. Elle désire beaucoup savoir les noms que je regarderais comme indiqués, et parle de l’évêque d’Autun comme ayant une très mauvaise réputation. Je lui exprime mon doute au sujet de la vérité de ce que l’on avance contre lui, car certains faits prouvent qu’il n’est pas dénué de vertu et qu’il mérite confiance ; il a des talents, mais sans être attaché à lui ou à qui que ce soit de façon particulière, je suis persuadé que la France peut fournir des hommes capables et intègres pour les premiers emplois ; M. de La Fayette devrait discipliner ses troupes ; sans cela, son ami Mirabeau peut tourner cette arme contre lui.


28 octobre. — Je dîne au Palais-Royal avec Mme de Rully qui fait faire son portrait au pastel. Elle est prête à être coquette avec moi, parce qu’elle l’est avec tout le monde. Une certaine Mme de Vauban, qui est là, est une femme d’un extérieur bien désagréable. L’intérieur de ce ménage ressemble beaucoup au Château de l’Indolence[1]. De là je vais au Louvre. L’évêque est chez Mme de Flahaut ; il a demandé de dîner avec son fils arrivé d’aujourd’hui. C’est

  1. Allusion au poème bien connu de William Thomson.