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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/139

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

fréquentes visites. Il y a une émeute au faubourg Saint-Antoine à propos du pain, ce qui nous conduit à examiner les moyens de ravitailler Paris. La Fayette propose un comité composé de trois ministres, trois membres de la municipalité de Paris et trois membres des États généraux, et dit qu’il y a un homme qui peut se charger des fournitures sous la direction d’un tel comité. L’évêque pense que l’Assemblée ne voudra pas intervenir. J’en suis sûr parce qu’elle n’obéit qu’à la crainte, et qu’elle ne veut pas courir le risque d’être responsable des subsistances de cette ville. La Fayette demande à l’évêque ce qu’il pense d’un nouveau ministère. Celui-ci répond que personne, sauf M. Necker, ne saurait résister à la famine et à la banqueroute qui paraissent inévitables. La Fayette demande s’il ne pense pas que l’on ferait bien de préparer un ministère pour dans quelques mois. L’évêque pense que si. Ils discutent ensuite certaines personnalités, et La Fayette demande, comme par hasard, si l’influence de Mirabeau sur l’Assemblée est grande. L’évêque répond qu’elle n’est pas énorme. Nous revenons graduellement aux subsistances, et je suggère une idée que Short m’a donnée : distribuer aux pauvres des médailles représentant une livre de pain, et laisser celui-ci monter au prix qu’il voudra. De cette façon le gouvernement payera réellement le pain consommé, par eux et celui-là seulement, tandis qu’à présent il paye une partie de celui que chacun mange. Là-dessus l’évêque observe qu’en ce moment où l’accusation de complot est si fréquente, les ministres seront accusés de conspirer contre la nation, s’ils font des largesses de pain à la multitude. Je crois qu’il s’aperçoit que ce plan donnerait aux ministres trop de puissance pour qu’on pût les renvoyer, et il a raison. Son idée, je pense, est d’entrer au ministère, quand les magasins seront pleins, et de faire alors ce qu’il ne veut pas que l’on fasse aujourd’hui. Au cours de la conversation, La Fayette parle de son ami La