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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/159

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

Belle journée, claire mais froide. Il a gelé toute la journée à l’ombre.


26 novembre. — Je vais voir Mme de Bréhan et M. de Moustier, de retour d’Amérique. Mon entretien avec elle est assez long, car je demande continuellement des nouvelles de ma patrie, et elle désire connaître l’état de la sienne, sentiments naturels des deux côtés, bien que forcément fort dissemblables. M. de Moustier a beaucoup à dire sur la dette américaine, et me donne raison de croire qu’elle ne pourra donner lieu à aucun arrangement. Je vais voir le maréchal de Ségur qui est atteint de la goutte. Nous parlons de la réduction proposée des pensions. Je désapprouve la mesure, et cette désapprobation, sincère de ma part, correspond exactement aux idées du maréchal, qui est l’un des plus gros pensionnés. Je revois de Moustier ce soir chez M. de La Caze. Il est maintenant enchanté de l’Amérique, et croit à ses bonnes dispositions et à ses ressources ; il a été chargé de demander que la Cour n’entreprenne aucun pourparler au sujet de la dette, que le payement des acomptes soit encore reculé de trois ans, et alors l’intérêt, commençant l’année prochaine, sera assuré de façon régulière. Je lui dis que je trouve un grave inconvénient au plan de M. Necker d’emprunter sur cette dette en Hollande : les Hollandais ne prêteront probablement rien, sans avoir obtenu une autorisation leur donnant droit de recours contre les États-Unis, car autrement le gouvernement américain pourrait payer le total à la France, et refuser de rien verser aux particuliers hollandais. Il dit qu’il en a déjà entretenu le comte de Montmorin et quelques membres des États généraux ; il en parlera aussi à M. Necker dès que celui-ci le désirera. Cela va certainement déranger notre premier plan, et nous obliger soit à le changer, soit à l’abandonner. Après un long entretien avec lui, je me retire, sur les protestations d’amitié de la marquise et les siennes.