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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/194

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

tion de la visite du roi à l’Assemblée, et, très imprudemment, je donne mon avis sur cette mesure. La réflexion me dit que, proposée soit par Necker, soit par La Fayette, Montmorin l’a probablement adoptée. Le baron de Besenval est rendu à la liberté ce soir, vers huit heures. D’après ce que me dit Mme de Chastellux comme venant de Mme Necker, par l’intermédiaire du duc de Nivernois, je conclus que le plan proposé pour le roi a pris naissance au ministère des finances. Il est ridicule. Je vais au Louvre. M. de Montesquiou s’y trouve. Nous nous entretenons de sujets politiques, et, au bout d’un instant, il s’en va. Mme de Flahaut est absolument désolée. Elle me raconte leur entretien, par lequel elle a compris qu’à moins de pouvoir emprunter pour subvenir à ses besoins, il devra recourir au suicide. Elle est affligée de la situation d’un ami, si longtemps et si sincèrement attaché à elle. Je calme sa douleur comme je le peux, et la quitte pour me rendre chez Mme de Chastellux. Le comte de Ségur me donne toutes les raisons pour que le roi se rende à l’Assemblée ; à mon avis, elles ne valent pas un sou.


1er février. — Ce matin le comte de Luxembourg vient déjeuner avec moi ; étant très occupé, je coupe court à l’entretien et me mets à écrire. Il me quitte, se lamentant toujours de ne pas être assez âgé pour être au ministère, où, avec l’aide de mes conseils, il pourrait faire des merveilles. Il sera bientôt détrompé. Je dîne avec la duchesse d’Orléans. Après le dîner, nous discutons une question, sur laquelle j’émets une idée quelque peu extraordinaire dans ce pays extraordinaire, savoir, qu’une femme sensée et instruite est plus facilement induite en erreur qu’une autre ; entre autres raisons, parce que, ayant peut-être un sentiment plus élevé du devoir, elle ressent un plaisir proportionnellement plus grand à une faute qui la conduit plus loin et plus vite qu’une autre femme. La duchesse