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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

possible, pourvu que ce soit une guerre continentale. Il objecte qu’avec la Grande-Bretagne, une guerre maritime seule est possible ; mais, dans ce cas, la France serait isolée, car l’Espagne ne voudra pas y prendre part. Je lui demande comment l’Empereur est disposé ; il répond que c’est un homme faible et pacifique, qui ne s’engagera pas à fond pour ou contre qui que ce soit ; s’il intervient, ce sera pour avoir sa part des dépouilles. Je lui dis que je ne vois point les choses comme lui ; que la guerre doit se faire sur terre et être générale ; que la Pologne doit être tentée par l’offre du pays qui la sépare de la Baltique ; l’Autriche devrait avoir la Silésie et la Bavière, en échange des Pays-Bas ; la France aurait les Pays-Bas et envahirait la Hollande ; Constantinople serait donnée à l’ordre de Malte, comme possession commune à toute la chrétienté. Ce plan, trop vaste pour son esprit, le fait bondir, mais je le crois bien réalisable. Très probablement il coûtera à la France ses colonies, mais j’ai pour elles un autre plan que je ne lui communique pas. Nous nous concertons pour le langage à tenir aux chefs des Jacobins.

M. Brémond me fait une visite, et me montre une nouvelle proposition de Lamerville au sujet des rations allemandes. Il me donne aussi la liste des demandes des chefs Jacobins. — Diner chez Montmorin ; j’y rencontre Bouinville de retour d’Angleterre. Il me dit que le livre de Paine y a produit un effet très grand, et ajoute que Pitt n’ose pas risquer la guerre avec la Russie, tant elle est impopulaire ; il a commencé de nouvelles négociations qui dureront probablement jusqu’à ce que la bonne saison soit passée. — M. Brémond et M. Jaubert reviennent me voir. Ils m’apportent des nouvelles sans importance, et me demandent si je crois convenable d’en faire part aux chefs des Jacobins. Je leur dis qu’à mon avis, il serait dangereux d’alarmer ces messieurs. Je leur indique la seule manière de le faire sans grand risque. Ces gens sont trop précipi-