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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/265

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

très lié avec elle. Elle est très affligée. D’après les usages de Paris, c’est équivalent à la perte d’un mari en Amérique.


14 juillet. — Au moment où j’arrive au Champ de Mars, une grande multitude s’y trouve déjà rassemblée pour célébrer, par une messe, l’anniversaire de la prise de la Bastille. À l’Assemblée, le parti républicain a traité le roi très durement, mais le rapport qui conclut à son inviolabilité sera adopté. M. de Trudaine me dit avoir entendu le jeune Montmorin assurer que le roi est d’une nature cruelle et basse. Une preuve de sa cruauté était, entre autres, son habitude d’embrocher et de rôtir des chats vivants. Pendant ma promenade avec Mme de Flahaut, je lui dis que je ne pouvais pas croire de pareilles choses. Elle répond qu’il les a commises dans sa jeunesse ; qu’il est très brutal et hargneux, ce qu’elle attribue surtout à une mauvaise éducation. Étant encore dauphin, sa brutalité l’a fait même battre sa femme, ce qui lui valut un exil de quatre jours infligé par son grand-père Louis XV. Jusqu’en ces derniers temps, il avait l’habitude de cracher dans sa main, parce que c’était plus commode. Il n’est pas étonnant qu’un pareil animal soit détrôné.


15 juillet. — Je dîne aujourd’hui chez M. de Montmorin. Montesquiou me demande si je ne dois pas être nommé ministre près de cette cour. Je réponds que non, que M. Jefferson désire beaucoup la nomination de M. Short, etc. Il dit qu’il est certain de pouvoir faire adopter par le Comité financier toute mesure raisonnable concernant la dette des États-Unis à la France. Je réponds que les États-Unis feraient aujourd’hui surgir des difficultés.

Paris est bouleversé ce soir par le décret, passé à la presque unanimité de l’Assemblée, et déclarant le roi inviolable. Le temps a été clair et très chaud. La populace est