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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

ques, c’en fut un peu trop pour la patience des miliciens ; aussi, sans attendre d’ordre, ils tirèrent et tuèrent une douzaine ou deux des manifestants en haillons. Les autres retrouvèrent leur vigueur pour fuir. Si les miliciens avaient attendu des ordres, je crois bien qu’ils auraient pu être tous assommés avant d’en recevoir. En l’espèce, l’affaire a été des plus simples. Plusieurs miliciens ont été assassinés depuis, et deux hommes ont été accrochés à une lanterne, et mutilés à la parisienne. Il en est résulté une certaine effervescence. La Fayette a vu la mort de près, ce matin, mais le pistolet a dévié contre sa poitrine. Bien que l’assassin eût été aussitôt saisi, le général donna l’ordre de le remettre en liberté. Ces choses se passent de commentaires. Je crois que nous serons tranquilles pendant quelque temps, mais il est bien possible qu’un violent effort soit fait sous un prétexte plausible, et alors, si la milice réussit, l’ordre sera rétabli définitivement. Vous aurez appris de divers côtés la fuite du roi. À propos, on le disait parfaitement libre ici, et pourtant notre ami La Fayette a été bien près d’être pendu à cause de cette fuite, mais pour se justifier il prouva que Sa Majesté, outre la parole qu’elle avait donnée, était si étroitement surveillée, qu’Elle n’avait que peu de chances de partir sans attirer l’attention. La conduite du roi était folle. Les affaires publiques étaient dans une telle situation qu’en se tenant tranquille, il serait bientôt devenu le maître, parce que l’anarchie qui règne partout aurait montré la nécessité de lui confier l’autorité, et parce qu’il est impossible que l’équilibre entre une assemblée unique et un prince soit tel, que celui-ci ne devienne bientôt trop lourd pour ses sujets ou trop léger pour les affaires. De plus, l’Assemblée, fortement soupçonnée de corruption, tombait rapidement dans l’estime publique. Le départ du roi a tout changé, et maintenant on semble généralement désirer une république, ce qui est dans l’ordre naturel des choses. Hier l’As-