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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/294

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

dîner, je passe dans son cabinet, et je le presse de garder sa place encore quelque temps, puis de se retirer comme président du Conseil. Il ne veut pas y consentir, d’abord parce qu’il est impossible de bien diriger ce ministère ; et secondement, parce qu’il a fait connaître sa détermination en termes si formels qu’il ne peut se rétracter. Je pense que cette dernière raison est la plus forte. Je lui parle de Sainte-Croix, comme étant recommandé par le garde des sceaux, au nom de tous les ministres. Il répond que s’il n’y avait pas de raisons particulières contre son admission (et je découvre que ce sont des questions d’argent), il serait la personne la plus capable du monde de rendre le ministère méprisable. Il ajoute que si Ségur ne veut pas accepter, Barthélémy ferait l’affaire. M. de Molleville, ministre de la marine, nous parle, à dîner, de la terrible insurrection des nègres à Saint-Domingue. J’espère que ce récit (qui n’est pas officiel) est exagéré. Après le dîner, il me dit que ce matin il a eu avec le comte de Moustier une longue conversation à mon sujet, et il désire savoir si j’ai réussi près de Montmorin. Ceci nous amène à une conversation sur le même sujet avec Mme de Beaumont ; au cours de cet entretien, je dévoile les plans des ennemis du roi tels qu’on me les a fait connaître. On me demande de recommencer l’attaque de M. de Montmorin. Je le fais, et il me dit que ses difficultés sont insurmontables, que le rapport sur l’affaire des princes ayant des possessions en Alsace est prêt à être déposé, et il est persuadé que l’Assemblée n’adoptera pas une bonne solution ; l’affaire d’Avignon implique également une querelle des plus regrettables avec le Pape ; il est certain que l’Assemblée s’en tirera mal. Je lui dis que ces objections sont peu sérieuses. Il n’a qu’à communiquer la vérité tout entière à l’Assemblée, et la laisser décider comme il lui plaira ; quant au traitement des sujets français en pays étranger, ce qui constitue un second sujet de plaintes, il devra présenter de fermes remontrances de la part de la nation et en faire