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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/306

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

ambassadeur près de toutes les nations européennes et rit cordialement de cette idée. Je réponds que l’affaire dont il s’occupe n’exige pas un ambassadeur. Elle fait remarquer qu’il n’a pas l’air et les manières exigées par un tel caractère. Je réplique qu’il pourrait faire mauvaise figure en Russie, mais je ne crois pas que dans les autres cours l’extérieur soit de grande importance. Elle termine la conversation en disant que si je désire donner aux étrangers une impression favorable de mon pays, je dois me faire nommer. Un salut pour reconnaître le compliment est la seule réponse possible. Elle s’en rapporte à l’ambassadeur qui, selon l’habitude en pareils cas, répond par l’affirmative.


1er décembre. — J’emmène Mme de Laborde à la Comédie-Française, j’ai le plaisir de voir l’acteur Préville dans le Bourreau bienfaisant. C’est un vrai acteur ; rien de superflu, rien à désirer dans son rôle, pas d’ornements faux, mais la nature nue, la grâce vivante. La reine s’y trouve ; elle est très bien accueillie. Je suis exactement en face d’elle, et je suppose que quelqu’un le lui dit, car elle me regarde assez fixement pour me reconnaître ; c’est ce que je crois. On me montre une lettre de l’impératrice de Russie au prince de Condé ; elle est pleine d’encouragements aux émigrés. Brémond me dit que le conseil secret du roi se compose de M. de Molleville, M. de Fleurieu et M. de La Porte. Il me fournit différents matériaux à utiliser dans une attaque contre le parti républicain.


3 décembre. — Je vais voir Mme de Staël. Pendant qu’elle s’habille, nous avons une conversation qui ne lui déplaît pas. La société est nombreuse. L’abbé Fauchet a aujourd’hui dénoncé Delessart, et l’évêque d’Autun qui dînait avec lui me dit que ce dernier était malade au point de quitter la table.