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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/360

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APPENDICE.

Vous possédez certainement cette intime connaissance de votre nation, qu’il est impossible à un étranger d’acquérir, et vous comprenez mieux les caractères des gens les plus en vue.

Ne vous attachez donc pas à ce que j’ai dit ; je l’ai répété ici, parce c’est en quelque sorte l’introduction nécessaire à ce que je vais vous communiquer. Hier soir, je me trouvais en compagnie de quelques-uns de vos amis qui me supposaient avoir sur vous une grande influence, ce en quoi je les ai assurés, selon l’exacte vérité, qu’ils se trompaient. Ils m’ont supplié d’aller vous voir pour vous demander de ne pas entrer au ministère. Connaissant vos nombreuses occupations et l’incorrection d’une intervention de ma part, j’ai refusé la visite, mais leurs instantes prières m’ont amené à promettre que je vous expliquerais par lettre les raisons qui les font agir : 1o Votre commandement actuel réclame tout votre temps, et exige une attention constante ; par suite, vous manquerez nécessairement à votre devoir, soit comme ministre, soit comme général. 2o Au conseil des ministres, vos opinions n’auront pas plus de poids, et peut-être moins, qu’à présent, parce que maintenant on les respecte comme venant de vous, tandis qu’au conseil elles ne seront reçues que d’après les raisons données pour les faire valoir, et ce n’est pas toujours le plus sage qui est le plus éloquent. 3o Si vos opinions ne sont pas admises, vous aurez la mortification de sanctionner par votre présence des mesures que vous désapprouvez, ou vous quitterez avec dégoût la place que vous aurez acceptée. 4o Si vos opinions sont admises, vous aurez, comme général, à faire exécuter les mesures que vous aviez conseillées comme ministre. Dans cette situation, l’opinion publique se révoltera à moins d’être réduite au silence. Dans le premier cas, ce sera votre ruine ; dans le second, celle du pays. 5o La jalousie et le soupçon, inséparables des révolutions tumultueuses, et que la méchanceté a déjà dirigés contre vous, s’attacheront certainement à chacun de vos pas à l’avenir, si vous semblez trop intimement attaché à la Cour ; les bases de votre autorité s’évanouiront, et vous serez vous-même tout étonné de votre chute. 6o On vous attribue la retraite du duc d’Orléans, et si vous entrez au conseil immédiatement après ce que quelques-uns