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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/381

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APPENDICE.

de l’Assemblée était due à ce qu’il la considérait comme le seul moyen d’éviter les horreurs d’une guerre civile. Ils virent que cette conduite les rendrait responsables, et bien que ce ne fût pas le plus sûr moyen d’obtenir plus tard une bonne constitution, et que le roi se fut trouvé lié par les principes qu’il exposait alors, ils s’y opposèrent pourtant, parce qu’autrement une bonne constitution allait être établie, non seulement sans eux, mais contre eux, et leur ferait perdre naturellement les objets auxquels ils visaient. Le roi luttait fort pour cette acceptation conditionnelle, dont j’ai parlé, mais il succomba, sous la menace de commotions populaires, qui seraient fatales à lui et à sa famille, et de cette guerre civile, conséquence nécessaire de ces mêmes commotions, qu’il voulait éviter par-dessus tout.

Bientôt après son acceptation, il devint nécessaire de choisir un autre ministre des Affaires étrangères ; M. de Montmorin avait tellement insisté pour se retirer que le roi ne pouvait plus décemment lui demander de rester. Voici quelle fut alors la composition du ministère : M. Duport, garde des sceaux, créature et âme damnée du triumvirat ; ce triumvirat comprend un autre Duport, Barnave et Alexandre Lameth, chefs des vieux Jacobins. Je dis les vieux Jacobins, car les Jacobins actuels forment le parti républicain. Ce garde des sceaux communiquait constamment à ses coadjuteurs tout ce qui se passait au Conseil. Le ministre de l’Intérieur, M. Delessart, était un indécis, un de ceux qui, comme dit Shakespeare, « nient, affirment et changent tranquillement suivant les changements de leurs maîtres. » Il avait été sous les ordres de Necker, qui lui avait procuré de l’avancement ; il s’était lié avec les triumvirs, ennemis de Necker, parce qu’ils étaient les plus forts, mais il restait en bons termes avec les autres. Duportail, ministre de la guerre, dont je vous ai parlé au moment de sa nomination, en prédisant la conduite qu’il tiendrait envers M. de La Fayette auquel il doit tout, était également absolument dévoué au triumvirat. Mais à ce moment il avait de telles difficultés avec l’Assemblée que sa démission paraissait inévitable à brève échéance. M. Bertrand de Molleville venait d’être nommé à la Marine, emploi que M. de Bou-