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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/384

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APPENDICE.

rien, et naturellement moi, qui suis charitable, je la crois. Cette froideur finit par disparaître après l’intervention de leurs amis communs, et l’évêque fit tous ses efforts pour faire nommer son ami Narbonne aux Affaires étrangères. Mais le roi ne voulut pas consentir, à cause de la grande indiscrétion de Mme de Staël. M. Delessart fut donc nommé, très content de se débarrasser du ministère de l’Intérieur où il avait tout à redouter, n’ayant ni pouvoir, ni ordre, ni pain à distribuer. On chercha ensuite à faire nommer M. de Narbonne à la place de M. Duportail ; M. Delessart donna à ce plan son aide cordiale, pour compenser son désappointement dans l’autre ministère. Finalement l’intérieur échut à un M. Cahier de Gerville — que je connais peu, et qu’il m’est inutile de connaître.

Ce ministère, extrêmement désuni, et fortement hostile à l’Assemblée, ne comprend en somme qu’une dose modérée de talents ; car, bien que le comte de Narbonne soit un homme d’esprit, et un garçon agréable et actif, ce n’est nullement un homme d’affaires ; et bien que M. Bertrand de Molleville ait des talents, pourtant, comme dit le proverbe, « une seule hirondelle ne fait pas l’été. » Tel qu’il est, chacun de ses membres est convaincu que la Constitution ne vaut rien ; malheureusement, beaucoup sont assez indiscrets pour faire connaître cette opinion, au même moment où ils déclarent leur détermination de la maintenir et de l’exécuter, ce qui est en fait la seule manière rationnelle restant aujourd’hui, d’en montrer les défauts. Il est inutile de vous dire que quelques membres de l’Assemblée nationale sont à la solde de l’Angleterre, car vous le supposez bien. Brissot de Warville est du nombre, dit-on, et à la vérité (soit par corruption ou pour tout autre motif que j’ignore) sa conduite tend à nuire à son pays et à favoriser celui de ses vieux ennemis, au plus haut degré. La situation des finances est telle que tout homme sensé voit l’impossibilité de continuer comme en ce moment, et parce qu’un changement de système après tant de déclamations pompeuses ne va pas sans quelque danger chez un peuple aussi sauvage et déréglé, il a paru qu’une guerre fournirait un prétexte plausible pour des mesures décisives pour lesquelles