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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/390

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APPENDICE.

foi et de la bonne politique. Mais il y a encore une autre cause qui peut produire des effets égaux à toutes les autres. Il paraît que la question est de savoir si c’est le cabinet anglais ou le cabinet russe qui dirige l’autre. Il y a peut-être un peu des deux, mais, quoi qu’il en soit, ceci est certain : ni l’un ni l’autre n’est disposé à contrecarrer ouvertement les vues de son allié. Or, en laissant de côté les sentiments personnels qui agitent naturellement le souverain de ce royaume-ci comme ceux de tous les autres à l’égard de la Révolution française, il est notoire que, dès son début même, des agents furent employés à fomenter un esprit de révolte dans les autres États, et particulièrement en Prusse. Le roi de Prusse ressent donc pour les révolutionnaires français toute la colère d’un prince allemand, fier, passionné et offensé. Ajoutez-y que l’électeur de Hanovre ne peut, à ce titre, souhaiter aucun changement dans le gouvernement de l’Allemagne. Si donc l’intérêt de la Grande-Bretagne eût été d’établir en France une constitution libre (ce qui n’est certainement pas le cas), je suis parfaitement convaincu que cette Cour n’aurait jamais fait un seul effort dans ce but.

Je vous ai mandé dans ma dernière lettre que le ministère français était désuni à l’extrême. Il l’était trop pour pouvoir durer ; de plus, ses membres s’employaient à préparer mutuellement leur chute. M. de Narbonne voulait entrer aux Affaires étrangères. Il avait une foule de raisons pour le désirer, dit-on, et principalement parce qu’il disposerait de grosses sommes sans avoir à en rendre compte. Quels que fussent ses motifs, voici quel paraît avoir été son plan. Il s’est fait l’avocat de toutes les mesures de violence. Une pareille conduite aurait naturellement excité les soupçons de tout homme sensé, mais pas ceux de l’Assemblée. Il s’allia aux partisans de la démocratie et tout en s’assurant par ce moyen contre leurs clameurs, il prenait grand soin de ses intérêts pécuniaires. On me l’affirme, du moins, mais en ajoutant qu’il a eu la grandeur d’âme de payer ses dettes, bien que ses domaines (situés à Saint-Domingue) soient notoirement parmi ceux qui ont été dévastés. On affirme encore