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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/399

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APPENDICE.

peut durer quelque temps. S’ils se battent et qu’ils gagnent une victoire, il est assez probable que nous serons témoins d’abominables excès. Si au contraire on éprouve un échec décisif, la faction jacobine deviendra un peu plus modérée. Somme toute, monsieur, nous sommes sur un vaste volcan. Nous le sentons trembler, nous l’entendons gronder, mais il est impossible à des prévisions humaines de découvrir comment, quand et où aura lieu l’éruption, et quelles en seront les victimes. Le nouveau ministère sera soulagé, dans tous les cas, de quelques-uns de ses membres, mais il reste un point fort obscur : ne sera-t-il pas chassé par la faction jacobine ? On se propose de faire un sérieux effort contre cette faction en faveur de la Constitution, et M. de La Fayette commencera l’attaque. Je vous avoue que j’ai peu d’espoir dans le succès. Il y a beaucoup à faire et fort peu de temps pour le faire, car l’ennemi sera bientôt fort supérieur en nombre, et on se demande actuellement, paraît-il, si l’Alsace et la Lorraine sont prêtes à se joindre aux envahisseurs. Ainsi, tandis qu’une grande partie de la nation désire renverser le gouvernement actuel pour rétablir les anciennes formes, et qu’une autre partie, encore plus redoutable par sa position et le nombre de ses membres, désire l’établissement d’une république fédérale, les modérés, attaqués de toutes parts, ont à lutter seuls contre une force immense. Je ne puis poursuivre ce tableau, car mon cœur saigne en réfléchissant que la plus belle occasion qui se soit jamais offerte d’établir les droits de l’homme dans le monde civilisé est peut-être perdue à jamais.

Lettre à Jefferson.

10 juillet. — Le samedi, 7 juillet, l’Assemblée a joué une farce dont les principaux acteurs remplirent bien leur rôle ; le roi fut trompé selon l’habitude, et nous marchons à grands pas à la catastrophe finale. Pendant quelques semaines les partis en présence, c’est-à-dire la Cour et les Jacobins, se sont efforcés de se rejeter mutuellement l’odieux d’avoir